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l’été dernier ! Il y avait du soleil dans nos âmes et du feu dans nos veines. Dans ce temps-là, je n’avais pas plus de conscience qu’une fleur, pas plus de scrupules qu’un oiseau. J’étais ivre… Il y avait tant d’années que le feu couvait sous la cendre et que j’avais soif des voluptés que tu m’as données ! Je les ignorais… Voilà pourquoi, tout en frémissant de crainte et de vague désir auprès de toi, la peur d’une déception m’a jetée dans le sein d’un ami plus sûr et plus doux. Hélas ! il ne m’a pas trompée, et la déception que je craignais de toi, la voilà venue ! Ne dis pas non. Tu as des passions trop violentes pour qu’elles soient durables, et je sens que tu ne m’aimes déjà plus…

» Mais voilà qu’au lieu de te calmer, au lieu de te ramener, je te fâche encore !… Tu t’emportes quand je te le dis, et je te le dis sans cesse, c’est comme une fatalité ! Au lieu de me gronder et de me menacer, rassure-moi donc ! Ne sais-tu répondre que par des caresses et du délire ? Ces réponses-là, tu sais bien que, venant de toi, elles sont irrésistibles ; mais nous vivons séparés, nous nous voyons rarement, et plus rarement encore nous pouvons être seuls et bien cachés. Quand il y a des témoins autour de nous, d’où vient que nous nous querellons, que tu sembles me haïr, que je suis prête à te haïr aussi ? C’est monstrueux, le mal que nous nous faisons quand nous voulons revenir à l’amitié, aux relations de famille et d’intérêt commun ! Comment peux-tu croire que je ne pense pas à ton avenir avec plus de prévoyance et de raison que toi-même ?