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lation ! Et je serai encore obligée, comme hier, d’aller chez toi, et de feindre, et de subir les airs stupidement vainqueurs de ta chevrière ! Ô Dieu, Dieu ! est-ce là ce que tu m’avais promis ? Que tu es fourbe et cruel ! Pourquoi faire semblant d’être jaloux ? Je n’ai plus d’amour pour Sylvestre, tu le sais bien. Je l’ai aimé, j’en conviens, je l’aime encore de vénération profonde et d’enthousiasme intellectuel. Il est mon idéal et mon dieu sur la terre. J’ai cru l’aimer autrement, je l’ai peut-être aimé ainsi, que sais-je ? Oui, il me semble que j’ai été bien heureuse dans ses bras et comme ravie au ciel ! Je ne veux pas te mentir ;… mais, depuis un an, depuis que, pour mon malheur, j’ai connu et partagé ta passion, je n’ai plus senti près de lui que la peur et la honte. Je ne sais pas s’il a senti aussi que je n’étais plus la même. Il réfléchit, lui, et il raisonne ; il raisonne tout, non par froideur comme tu le crois, mais par bonté. Il cherche toujours à expliquer en bien et à l’avantage des autres ce qui peut le surprendre ou le chagriner. Il se sera dit peut-être que, si je me refroidissais, il y avait de sa faute, et il a redoublé de tendresse et de dévouement. Et moi, j’ai dû jouer une comédie affreuse pour lui cacher que mon âme était morte sous tes baisers ! Ah ! malheureuse que je suis ! quels reproches j’ai à me faire !… Eh bien, je t’aime si follement, que, si j’étais vraiment aimée de toi comme j’ai cru l’être, je ne me repentirais de rien. Rappelle-toi les premiers temps de notre bonheur, ce n’est pas si loin, un an ! Qu’il a été beau,