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nement des astres dans un ciel pur éclaira cette échelle de Jacob que tout homme un peu trempé aperçoit dans sa détresse et saisit avec enthousiasme pour fuir les monstres et leur vomissement, je quittai la triste sphère où s’agitent les problèmes et les sophismes. Je montai vers la région du vrai, où le mal n’est plus que relatif et où son nom même ne signifie plus rien. Nous y monterons tous, épurés par le temps, l’expiation et l’expérience ; mais tous n’y monteront pas en esprit dès cette vie. Le royaume de Dieu, j’appelle ainsi le sentiment clair, enivrant et grandiose du beau et du bon éternels et infinis, n’est pas ouvert, même pour un instant, à ceux qui ne voient que des yeux du corps et qui ont méprisé la notion de ce qui est le bien et le mal pour leur espèce. L’homme ne possède pas le bien absolu : c’est pour cela qu’il s’abaisse dès qu’il le cherche en dehors du bien relatif qui lui est accessible. Il ne faut pas de déchéance morale, il ne faut pas de fièvre malsaine et de satisfaction impudemment conquise entre l’élan de l’âme et son but mystérieux, sublime.

Moi, j’étais pur, et d’un mot terre-à-terre, qui, au milieu de mon extase, me venait aux lèvres, je pouvais me résumer : « Le mal qu’on me fait, je n’aurais jamais pu, je ne pourrais jamais le faire aux autres. » En effet, la belle Vanina, cent fois plus jeune et plus belle que ma femme, eût pu être apportée dans mon lit par les démons légendaires de la nuit, mes bras ne se fussent pas noués autour d’elle, ma pensée n’eût