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— Tu venais chez nous ? repris-je. Il y a longtemps qu’on ne t’a vu.

— Ah ! que voulez-vous ! avec des petits sur les bras, une femme qui sèvre l’un pour nourrir l’autre ! Je ne la laisse guère seule.

— Et tu fais bien. Allons, viens voir ta cousine.

— Elle va me gronder.

— Pourquoi ?

— D’abord pour n’en pas perdre l’habitude, et puis parce que je ne lui ai pas donné signe de vie depuis un mois.

— Eh bien, elle te grondera et elle te pardonnera.

Nous suivîmes ensemble le sentier par où Félicie venait de fuir. Il était bien évident pour moi que Tonino ne pensait pas que je l’eusse aperçue ; mais l’avait-il aperçue lui-même ? savait-il qu’elle était venue là ou qu’elle venait d’y passer ? Il était si calme et si souriant, que je ne pouvais croire à une trahison. Rien ne m’expliquait la présence de Félicie en ce lieu particulièrement sauvage ; mais sans doute ce hasard allait s’éclaircir naturellement dès que nous la rejoindrions.

Tout en maîtrisant mon émotion, je marchais vite. Tonino m’arrêta à plusieurs reprises sous différents prétextes très-vraisemblables et d’un air très-naturel.

Tant il y a que Félicie était rentrée depuis au moins dix minutes quand nous rentrâmes nous-mêmes. Elle avait eu le temps de changer de chaussure et de se