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M. et à madame*** en ma présence. J’ignore comment j’obtins de lui cette marque extraordinaire de confiance, de pouvoir être au nombre de ses auditeurs intimes. Peut-être lui étais-je devenu particulièrement sympathique par mon désir d’avoir son opinion sans y opposer une opinion personnelle préconçue ; peut-être éprouvait-il le besoin de raconter son âme et de distribuer dans quelques mains fidèles les grains de sagesse et de charité qu’il avait sauvés du désastre de sa vie.

Quoi qu’il en soit, et quelle que soit la valeur de cette révélation, la voici telle que j’ai pu la reconstruire en soudant ensemble les heures consacrées à diverses reprises à ce long récit. C’est moins un roman qu’un exposé de situations analysées avec patience et retracées avec scrupule. Ce n’est ni poétique ni intéressant au point de vue littéraire. Cela ne s’adresse donc qu’au sens moral et philosophique du lecteur. Je lui demande pardon de n’avoir pas à lui servir aujourd’hui un mets plus savant et plus savoureux. Le narrateur dont le but n’est pas de montrer son talent, mais de communiquer sa pensée, est comme le botaniste qui rapporte de sa promenade, non les plantes rares qu’il eût été heureux de trouver, mais les brins d’herbe que la saison rigoureuse lui a permis de recueillir. Ces pauvres herbes ne charment ni les yeux, ni l’odorat, ni le goût, et pourtant celui qui aime la nature y trouve encore matière à étudier, et il les apprécie.