Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
LE DERNIER AMOUR

tentée de lui demander pardon de l’avoir emporté sur elle.

Quand le prêtre eut béni leur union, les mariés, qui n’avaient eu pour escorte que nous, les témoins et les gens de la maison, nous remercièrent et nous demandèrent la permission d’aller passer trois jours chez la mère de Vanina, qui demeurait dans la montagne. Félicie acquiesça froidement à ce désir et leur dit à peine adieu.

Ils partirent seuls, se tenant par le bras, mais d’une étreinte si souple et si forte, qu’ils semblaient ne faire qu’un. Tonino se retourna pour m’envoyer un baiser, et il me montra le soleil de mai comme pour le prendre à témoin de son droit à l’ivresse de la vie.

J’essayai de distraire Félicie de sa tristesse.

— Ces enfants sont des ingrats, me dit-elle. J’avoue que je ne m’attendais pas à les voir quitter la maison aujourd’hui.

— Ce n’est pas quitter la maison que de s’absenter trois jours.

— Ils s’absentent tout à fait, soyez-en sûr. Ils ont formé, en cachette de nous, quelque projet d’établissement. La mère de Vanina est une femme de mauvaise vie, et ce n’est pas chez elle que Tonino, à moins qu’il n’ait perdu l’esprit, irait abriter sa lune de miel.

— Ils ont pris pourtant le chemin de sa demeure ?

— Ils vont la voir pour la consoler de l’humiliation que je lui ai infligée en lui défendant d’assister au mariage.