loir régner seule sur mes volontés. Elle est despote comme toutes les personnes ombrageuses. Quand elle donne un ordre, si je m’attarde un peu pour rendre un petit service à la Vanina, elle ne s’emporte plus, vous l’avez corrigée de la colère : elle nous boude et nous parle froidement pendant trois jours. Jalouse de son autorité, jalouse de la liberté et du bonheur des autres, voilà ce qu’elle est et ce qu’elle a toujours été depuis quinze ans ; c’est la conséquence de sa faute.
— De sa faute ! m’écriai-je ; est-ce que vous osez prononcer ce mot-là, vous, Tonino ? est-ce que vous savez si votre mère adoptive a commis une faute ?
— Comment ne le saurais-je pas ? J’ai bercé son enfant. On me disait alors qu’elle était veuve : c’était bien inutile, je ne songeais pas à questionner ; mais, plus tard, quand j’ai vécu ici, il m’a bien fallu savoir, comme tout le monde, qu’elle n’avait jamais eu de mari.
— Vous eussiez dû ne l’apprendre jamais, ne pas l’entendre, ne pas le croire, et, aujourd’hui encore, vous devriez parler comme si vous ne le saviez pas.
— Ah ! permettez-moi de vous dire, monsieur Sylvestre ! vous exagérez toutes ces choses-là ; vous les jugez en homme du grand monde apparemment. Nous autres paysans, nous n’y voyons rien de si grave ; nous disons : « C’est un malheur ! » et ça nous paraît si facile à pardonner, que nous ne nous