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désirer follement ; mais je vous ai donné ma parole, et je la respecte. Pourquoi non ? Cette petite lutte que je soutiens contre moi-même aiguise mon amour et le rend plus ardent encore. Je vous réponds que nous aurons, elle et moi, une belle et longue lune de miel.

Et il ajoutait avec un franc rire :

— Ami, je vous en souhaite une pareille !

La liberté d’esprit, à la fois candide et cynique, avec laquelle ce jeune homme me parlait désormais de mon prochain mariage avec sa mère adoptive me troublait bien un peu quelquefois. Tonino manquait de ce je ne sais quoi de voilé et de profond qui caractérise les âmes vraiment émues. Il y avait en lui comme une soudaine sécheresse sceptique dont il ne paraissait pas se rendre compte, mais qui sautait à pieds joints sur le respect de soi et des autres. Il était impossible de le lui faire comprendre ; car, bien plus que Félicie, il était incapable d’écouter avec fruit et de saisir le vrai sens des mots dans un certain ordre d’idées. Un réalisme brutal apparaissait tout à coup sous cette gentillesse d’expansion, et il me faisait rougir, moi, homme de cinquante ans, quand je le laissais se livrer à ses rêves de volupté.

Ces amours d’enfants, qui côtoyaient pour ainsi dire mes austères amours avec Félicie, avaient peut-être la rude vérité de l’âge d’or, et parfois je me demandais si l’amour jeune n’était pas le seul légitime, si cette pudeur recherchée que ne connaissent pas les