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était devenue une fort jolie fille blonde, bien prise dans sa taille élancée, très-gracieuse avec ses longs bras ronds et minces comme ceux d’une figure étrusque. On disait dans le pays que c’était une fille illégitime du vieux Tonino Monti, ce qui était assez invraisemblable, mais non impossible. Elle avait bien la fraîcheur de ton de la race germanique à laquelle appartenait sa mère ; mais l’élégance et la grâce italiennes se retrouvaient dans ses mouvements et dans son accent doux et sonore. La supposition d’une sorte de parenté mystérieuse avec elle ne déplaisait pas à Tonino. Jean s’en était expliqué avec moi par un peut-être laconique et insouciant. Il était le parrain de cette enfant et l’avait recueillie, toute petite, par charité. Félicie, qui n’entendait pas raillerie sur les mœurs de son grand-père, l’avait longtemps tenue à distance pour ne point encourager les commentaires. Aussi l’éducation de Vanina était-elle fort négligée, et ses manières très-rustiques. Pourtant, depuis deux ans, son intelligence s’était développée dans les fréquents entretiens qu’elle eut avec Tonino, et on l’avait vue, de jour en jour, devenir plus correcte dans sa tenue et dans son langage. Ces entretiens l’avaient rendue fort distraite. Félicie avait surveillé sa conduite, et, à la suite de quelques réprimandes, la jeune fille, craignant d’être chassée, s’était mise à l’ouvrage avec ardeur. On était alors très-content d’elle ; elle se rendait utile à la ferme, précieuse même dans la maison, et sa maîtresse lui témoignait de l’amitié,