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faire de nouveau suspecter la sincérité à laquelle je venais de me fier.

Il marcha dans la chambre avec agitation, presque avec colère ; puis, venant à moi et se mettant à genoux malgré moi :

— Puisque ma cousine me reproche devant vous mes fautes, il faut que vous m’en accordiez le pardon. Eh bien, oui, j’ai été jaloux d’une grande amitié qui allait lui faire paraître la mienne bien petite. N’est-ce pas naturel ? où est le crime ? Jamais un fils n’a vu sa mère se remarier sans avoir chagrin et peur. C’est de l’égoïsme, si vous voulez ; mais, à mon âge, on n’a pas la raison et la vertu du vôtre. On est un enfant, et vous avez tant d’indulgence, vous ! C’était à vous de me rassurer, de fermer ma blessure, de me dire que je serai encore quelque chose pour ma cousine et pour vous… Vous l’avez fait, je vous remercie, je vous crois ; mais elle ! pourquoi cette froideur et de si méchantes menaces ? On ne m’avait pas habitué à ça, moi ! Je devais être le soutien de sa vieillesse et le but de sa vie. Oui, voilà comment elle me parlait pour me rendre bon et sage quand j’étais petit. Voyez comme elle a changé ! Et, si j’en souffre, est-ce mal ?

— En voilà assez, dit Félicie. Sois bon et sage, sois ce que tu dois être, et mon amitié te reviendra comme autrefois ; mais ce n’est plus si facile, je t’en avertis ! J’étais seule les deux tiers de l’année, je n’avais que toi à gâter, et je croyais bien ne me marier jamais.