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ma nature. Pourtant, si je le devenais à présent que j’aime ; si, pour entretenir votre amour, je vous faisais quelquefois sentir que je peux en inspirer aux autres, seriez-vous si rigide que de regarder ce désir de vous plaire davantage comme un manque de fidélité ?

— Oui certes, je suis rigide à ce point-là, m’écriai-je, et je ne croirais pas être injuste. Toute coquetterie a besoin d’un complice, et la femme qui associe un autre homme à la tentative fort peu innocente dont vous parlez fait plus que de tromper son époux, elle l’avilit. Qu’elle se fasse un jeu de sa souffrance, ce n’est qu’une méchanceté, et cela se pardonne ; mais qu’elle encourage un étranger à tourmenter avec elle l’homme qu’elle a juré de respecter, voilà ce que je n’admettrai jamais, et ce qui m’inspirerait un invincible mépris.

— Je vous trouve cruel, reprit Félicie, et vous avez aujourd’hui une façon de dire les choses qui m’épouvante et me blesse. Vous ne voulez pas supposer que l’étranger en question serait un ami qui se prêterait chastement à une épreuve dans l’intérêt du mari ?

— Où avez-vous pris cette morale de vaudeville, Félicie ? Êtes-vous assez enfant pour croire qu’en jouant la comédie de l’amour, le faux rival que vous choisiriez pour aviver l’imagination ou les sens de votre mari n’aurait pas lui-même les sens et l’imagination occupés de vous ? Ah ! si jamais vous aviez la fantaisie de faire servir le masque expressif de Tonino