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compte, et ce ne fut qu’au bout de quelques jours que je me décidai à le lui faire rompre.

— J’ai des remords, lui dis-je. Je ne puis souffrir l’idée que vous êtes, pour me complaire, devenue indifférente à l’avenir de votre fils adoptif. Il devient le mien, d’ailleurs, du moment que vous m’acceptez comme chef de famille, et je sens que nous avons des devoirs envers lui. Dites-moi donc ce que vous comptez faire pour le soustraire aux dangers de l’inaction et de l’isolement.

— Je n’en sais rien, répondit-elle. Depuis six mois, je ne le connais plus. Il ne me parle plus avec confiance, nous sommes à peu près brouillés. Il dit qu’il saura se faire un état et se passer de ma protection. À vous dire vrai, je n’en crois rien, et, si nous l’abandonnons, je crains fort qu’il ne se perde.

Je fus surpris de la sécheresse d’accent de Félicie, et je la regardai fixement pour m’assurer qu’elle ne faisait pas un grand effort sur elle-même en se montrant prête à sacrifier cet enfant à mon égoïsme. Était-ce un muet reproche ? était-ce une insinuation habilement dissimulée ?

— Félicie, lui dis-je, il faut rappeler Tonino, il faut l’interroger ou l’observer, voir s’il réclame sincèrement son indépendance et s’il est capable d’en faire un bon usage ; après quoi, nous prendrons un parti.

— Pourquoi, me dit-elle, essayez-vous de me cacher que son retour vous sera très-désagréable ?

— Je ne veux pas vous le cacher, mais je veux