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— Je vais vous dire la vérité, répliqua Félicie. Vous avez deviné quelque chose que vous ne comprenez pas. Tonino m’aime comme sa mère ou comme sa sœur, c’est-à-dire qu’il m’aime beaucoup et d’une bonne amitié ; mais, au fond, c’est en vue de lui-même ; car il est égoïste comme tous les enfants gâtés. Ajoutez à cela qu’il est dans l’âge de l’amour et que ses sens lui parlent pour toutes les femmes, pour moi comme pour les autres ; cela, j’ai été forcée de m’en apercevoir. Vous rougissez, monsieur Sylvestre, vous espériez encore vous être trompé ? Eh bien, non ; il m’a désirée, il me désire, il me désirera peut-être encore. Si cela vous blesse, il ne faut pas qu’il revienne. Si cela vous est aussi indifférent qu’à moi, il reviendra, et je le marierai pour qu’il soit occupé d’une autre femme.

— A-t-il osé vous dire qu’il vous aimait ?

— Oui, depuis que vous l’avez rendu jaloux.

— Et vous l’avez grondé… ou plaint ?

— Ni l’un ni l’autre. J’ai fait semblant de ne pas comprendre, c’était le mieux.

— Vous n’avez éprouvé aucune émotion, aucun regret ?…

— Je ne sais pas, monsieur Sylvestre. J’ai réfléchi. Dans ce moment-là, vous sembliez me fuir et me dédaigner. Il y a eu des moments où mon regret de vous me rendait folle, et où je me suis dit : « Il faut en finir, je souffre trop ! Il faut que je sois aimée passionnément, n’importe par qui, et, moi, j’aimerai