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a couru après son ami dès qu’il s’en est senti la force. Il saura le retrouver. »

Il le retrouva, en effet, aux portes de Lugano. Il se jeta sur lui pour le caresser, et il le mordit. L’hydrophobie, ce mal terrible, combattu durant plusieurs jours par l’affection, la mémoire et la fidélité, éclata au moment de la joie. Quelques jours après, je reçus une lettre de Tonino. Jean était gravement malade, et on ne pouvait savoir la nature de son mal. Il avait une fièvre ardente et un délire furieux. Je dus préparer Félicie à apprendre quelque chose de grave. Elle me devina, elle m’arracha la lettre.

— Mon frère est fou ! s’écria-t-elle ; il devait finir ainsi, j’en étais sûre !

Nous partîmes une heure après, à cheval tous deux, pour gagner la poste la plus prochaine. La nuit nous surprit dans une gorge étroite et sombre, et nous dûmes nous ranger contre la paroi du rocher pour laisser passer un cavalier qui arrivait sur nous au galop.

Il s’arrêta en nous voyant, et nous demanda en italien le chemin de la Diablerette. Il venait de la part de Tonino pour nous empêcher de partir. La lettre du matin n’était qu’une préparation à l’horrible nouvelle. Jean était mort dans une exaspération atroce. On avait dû tuer le chien. Le médecin avait reconnu une morsure au bras du malade. Ainsi s’était réalisé, avec la rapidité de la foudre, le fantastique et affreux rêve du pauvre Jean.