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que ce n’est pas par orgueil, mais que c’est par dévouement et par modestie.

Jean ne comprenait plus rien et me regardait avec un étonnement comique, se demandant si c’était de ma part une timide déclaration ou une rupture. Il me savait gré de ne l’avoir pas trahi et de prendre sur moi seul tous les risques de l’explication. Il attendait avec anxiété ce que Félicie allait me répondre.

Quant à celle-ci, elle ne s’y trompa point, et, se levant avec résolution, elle vint à moi et me tendit la main.

— Je vous remercie de votre franchise, me dit-elle. Vous m’absolvez du passé, mais ce n’est pas une raison pour vous fier à l’avenir. Vous me trouvez trop jeune et vous sentez que je ne suis pas la compagne raisonnable et calme qu’il vous faudrait ; vous êtes dans le vrai. Je ne veux pas faire un mariage d’amitié, et, comme je ne crois pas inspirer jamais l’amour, je compte ne jamais me marier.

Jean fit la remarque assez judicieuse que nous étions deux cerveaux par trop romanesques, l’un s’abstenant du mariage faute d’éprouver l’amour, l’autre faute de l’inspirer.

— Écoutez, lui répondit Félicie avec feu, je suis positive, au contraire ! Je ne comprends pas le mariage sans fidélité réciproque, et l’amour est la seule garantie à laquelle je croie. Ni le devoir ni l’amitié ne peuvent lutter seuls dans le cœur d’un homme contre les tentations de la vie ; il faut aussi l’amour ! Je ne