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dans ces suaves vapeurs, il semblait vouloir sourire encore à la vallée, et il dardait sur les toits élevés du vieux château un rayon de pourpre qui faisait de l’ardoise terne et moussue un dôme de cuivre rouge resplendissant.

Comme j’étais vêtu et chaussé en conséquence de la saison, je prenais un plaisir extrême à marcher sur cette neige brillante, cristallisée par le froid, et qui craquait sous mes pieds. En creusant des ombres sur ces grandes surfaces à peine égratignées par la trace de quelques petites pattes d’oiseaux, j’étudiais avec attention le reflet verdâtre que donne ce blanc éblouissant auprès duquel l’hermine et le duvet du cygne paraissent jaunes ou malpropres. Je ne pensais plus qu’à la peinture et à remercier le ciel de m’avoir détourné de Milan.

Tout en marchant, j’approchais du parc, et je pouvais embrasser de l’œil la vaste pelouse blanche, coupée de massifs noirs, qui s’étendait devant le château. On avait rajeuni les abords de cette austère demeure en nivelant les anciens fossés, en exhaussant les terres et en amenant le jardin, la verdure et les allées sablées jusqu’au niveau du rez-de-chaussée, jusqu’à la porte des appartements, comme c’est l’usage aujourd’hui que nous sentons à la fois le confortable et la poésie de la vie de château. L’enclos était bien fermé de grands murs ; mais, en face du manoir, on en avait échancré une longueur de trente mètres au moins pour prendre vue sur la campagne. Cette ouverture formait terrasse, à une hauteur peu considérable, et avait pour défense un large fossé extérieur. Un petit escalier, pratiqué dans l’épaisseur du massif de pierres de la terrasse, descendait jusqu’au niveau de l’eau pour permettre, apparemment, aux jardiniers d’y venir puiser durant l’été. Comme l’eau était couverte d’une croûte de glace très-forte, je fis la remarque qu’il était très-facile en ce moment d’entrer dans la résidence