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Je fus entièrement vaincu par cette question hardie, faite avec un effort évidemment douloureux et le trouble de la pudeur alarmée.

Je la pris dans mes bras et je la serrai contre ma poitrine.

— Il ne faut pas me tromper, dit-elle en se dégageant avec force de mon étreinte. J’ai vingt-deux ans ; je n’ai pas encore aimé, moi, et je ne dois pas être trompée. Mon premier amour sera le dernier, et, si je suis trahie, je n’essaierai pas de savoir si j’ai la force d’aimer une seconde fois : je mourrai. C’est là le seul courage dont je me sente capable. Je suis jeune, mais l’expérience des autres m’a éclairée. J’ai beaucoup rêvé déjà, et, si je ne connais pas le monde, je me connais du moins. L’homme qui se jouera d’une âme comme la mienne, ne pourra être qu’un misérable, et, s’il en vient là, il faudra que je le haïsse et que je le méprise. La mort me semble mille fois plus douce que la vie, après une semblable désillusion.

— Stella, lui répondis-je, si je vous dis ici que je vous aime, me croirez-vous ? Ne me mettrez-vous pas à l’épreuve avant de vous fier aveuglément à la parole d’un homme que vous ne connaissez pas ?

— Je vous connais, répondit-elle. Célio, qui n’estime personne, vous estime et vous respecte ; et, d’ailleurs, quand même je n’aurais pas ce motif de confiance, je croirais encore à votre parole.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, mais cela est ainsi.

— Donc vous m’aimez, vous ?

Elle hésita un instant, puis elle dit :

— Écoutez ! je ne suis pas pour rien la fille de la Floriani. Je n’ai pas la force de ma mère, mais j’ai son courage ; je vous aime.