hui. Si elle m’aime, ce ne peut être encore au point de devenir égoïste. Dans mon intérêt, comme dans le tien, je demande l’aide et le conseil du temps.
— C’est bien dit, répliqua Célio ; ajournons. Eh ! tiens, prenons une résolution : c’est de ne nous déclarer ni l’un ni l’autre avant de nous être consultés encore ; jusque-là, nous n’en reparlerons plus ensemble, car cela me fait un peu de mal.
— Et à moi aussi. Je souscris à cet accord ; mais nous ne nous interdisons pas l’un à l’autre de chercher à lui plaire.
— Non, certes, dit-il. Il se mit à fredonner la romance de don Juan ; puis peu à peu il arriva à la chanter, à l’étudier tout en marchant à mon côté, et à frapper la terre de son pied avec impatience dans les endroits où il était mécontent de sa voix et de son accent.— Je ne suis pas don Juan, s’écria-t-il en s’interrompant, et c’est pourtant dans ma voix et dans ma destinée de l’être sur les planches. Que diable ! je ne suis pas un ténor, je ne peux pas être un amoureux tendre ; je ne peux pas chanter Il mio tesoro intante et faire la cadence du Rimini… Il faut que je sois un scélérat puissant ou un honnête homme qui fait fiasco ! Va pour la puissance !… Après tout, ajouta-t-il en passant la main sur son front, qui sait si j’aime ? Voyons ! Il chanta Quando del vino, et il le chanta supérieurement.— Non ! non ! s’écria-t-il satisfait de lui-même, je ne suis pas fait pour aimer ! Cécilia n’est pas ma mère. Il peut lui arriver d’aimer demain quelqu’un plus que moi, toi, par exemple ! Fi donc ! moi, amoureux d’une femme qui ne m’aimerait point ! j’en mourrais de rage ! Je ne t’en voudrais pas, à toi, Salentini ; mais elle ? je la jetterais du haut de son château sur le pavé pour lui faire voir le cas que je fais de sa personne et de sa fortune !