Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

et parlait peu cependant ; mais elle était attentive à tout ce qui pouvait être utile ou agréable à ses amis. On eût dit qu’elle avait eu toute sa vie deux cent mille livres de rentes, tant elle était aisée et tranquille dans son opulence, et l’on voyait qu’elle ne jouirait de rien pour elle-même, tant elle restait dévouée au moindre besoin, au moindre désir des autres.

On ne parla point de comédie pendant la déjeuner. Pas un mot ne fut dit devant les domestiques qui pût leur faire soupçonner quelque chose à cet égard. Ce n’est pas que de temps en temps Béatrice, qui n’avait autre chose en tête, n’essayât de parler de la précédente et de la prochaine soirée ; mais Stella, qui était toujours à ses côtés et qui s’était habituée à être pour elle comme une jeune mère, la tenait en bride. Quand le repas fut terminé, le marquis prit le bras de sa fille et sortit.

— Ils vont, pendant deux heures, s’occuper d’un autre genre d’affaires, me dit Célio. Ils donnent cette partie de la journée aux besoins des gens qui les environnent ; ils écoutent les demandes des pauvres, les réclamations des fermiers, les invitations de la commune. Ils voient le curé ou l’adjoint ; ils ordonnent des travaux, ils donnent même des consultations à des malades ; enfin, ils font leurs devoirs de châtelains avec autant de conscience et de régularité que possible. Stella et Béatrice sont chargées de veiller, à l’intérieur, sur le détail de la maison ; moi, ordinairement, je lis ou fais de la musique, et, depuis que mon frère est ici, je lui donne des leçons ; mais, pour aujourd’hui, il ira s’exercer tout seul au billard. Je veux causer avec vous.

Il m’emmena dans le jardin, et là, me serrant la main avec effusion : — Ta tristesse me fait mal, dit-il, et je ne saurais la voir plus longtemps. Écoute, mon ami, j’ai eu un mauvais mouvement quand tu m’as dit, il y a une