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Stella était revenue avec la lumière. Nous mîmes sa jeune sœur entre ses mains pour la déshabiller, puis nous allâmes nous remettre à table. Stella revint bientôt aussi, rapportant ce délicieux costume andalous de Zerlina qui devait être serré et caché dans le magasin de costumes.

— Le mystère dont nous réussissons à nous entourer, me dit Cécilia, donne un nouvel attrait à nos études et à nos fêtes nocturnes. J’espère que vous ne le trahirez pas, et que vous laisserez les gens du village croire que nous allons au sabbat toutes les nuits.

Je lui racontai les commentaires de mon hôtesse et l’histoire du petit soulier.— Oh ! c’est vrai, dit Stella ; c’est la faute de Béatrice, qui ne veut aller se coucher que quand elle dort debout. Cette nuit-là, elle était si lasse, qu’elle a dormi avec un pied chaussé comme une vraie petite sorcière. Nous ne nous en sommes aperçus que le lendemain.

— Ça, mes enfants, dit Boccaferri, ne perdons pas de temps à d’inutiles paroles. Que jouons-nous demain ?

— Je demande encore Don Juan pour prendre ma revanche, dit Célio ; car j’ai été distrait ce soir et j’ai fait un progrès à reculons.

— C’est vrai, répondit Boccaferri : à demain donc Don Juan, pour la troisième fois ! Je commence à craindre, Célio, que tu ne sois pas assez méchant pour ce rôle tel que tu l’as conçu dans le principe. Je te conseille donc, si tu le sens autrement (et le sentiment intime d’un acteur intelligent est la meilleure critique du rôle qu’il essaie), de lui donner d’autres nuances. Celui de Molière est un marquis, celui de Mozart un démon, celui d’Hoffmann un ange déchu. Pourquoi ne le pousserais-tu pas dans ce dernier sens ? Remarque que ce n’est point une pure rêverie du poète allemand, cela est indiqué dans