Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

habiles pour ne choisir que le plus beau diamant de la roche.

Toi, Célio, continua Boccaferri, qu’on écoutait là comme un oracle, et contre lequel le fier Célio lui-même n’essayait pas de regimber, tu as été trop leste et pas assez hypocrite. Tu as oublié que la naïve et crédule Zerline était déjà assez femme pour exiger plus de cajoleries et pour se méfier de trop de hardiesse. Tu n’as pas oublié que Béatrice est ta sœur, et tu l’as traitée comme un petit enfant que tu es habitué à caresser sans qu’elle s’en fâche ou s’en inquiète.— Sois plus perfide, plus méchant, plus sec de cœur, et n’oublie pas que, dans l’acte que nous allons jouer, tu vas te faire tartufe… A propos, il nous manquait un père, en voici un ; c’est M. Salentini qui nous tombe du ciel, et il faut improviser la scène du père. C’est du Molière, et c’est beau ! Vite, enfants ! un costume de grand d’Espagne à M. Salentini. L’habit Louis XIII, tirant encore sur l’Henri IV, ancienne mode ; grande fraise, et la trousse violette, le pourpoint long, peu ou point de rubans. Courez, Stella, n’oubliez rien ; vous savez que je n’admets pas le : Je n’y ai pas pensé des jeunes filles. Repassez-moi tous les deux, ajouta-t-il en s’adressant à Célio et à moi, la scène de Molière. Monsieur Salentini, il ne s’agit que de s’en rappeler l’esprit et de s’en imprégner. Ne vous attachez pas aux mots. Au contraire, oubliez-les entièrement : la moindre phrase, retenue par cœur, est mortelle à l’improvisation… Mais, mon Dieu ! j’oublie que vous n’êtes pas ici pour apprendre à jouer la comédie. Vous le ferez donc par complaisance, et vous le ferez bien, parce que vous avez du talent dans une autre partie, et que le sentiment du vrai et du beau sert à comprendre toutes les faces de l’art. L’art est un, n’est-ce pas ?

— Je ferai de mon mieux pour ne dérouter personne,