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avant tout ; j’ai été si frappée de ce mot, que j’ai senti comme un remords d’avoir été émue un instant dans les bras du perfide. J’ai aimé Ottavio, et vous allés voir, dans le quatrième acte, combien cette généreuse parole m’a rendu de force et de fierté.

— Brava ! bravissima ! dit Boccaferri, voilà ce qui s’appelle comprendre : un entr’acte ne doit pas être perdu pour un véritable artiste. Tandis qu’il repose ses membres et sa voix, il faut que son intelligence continue à travailler, qu’il résume ses émotions récentes, et qu’il se prépare à de nouveaux combats contre les dangers et les maux de sa destinée. Je ne me lasserai pas de vous le dire, le théâtre doit être l’image de la vie : de même que, dans la vie réelle, l’homme se recueille dans la solitude ou s’épanche dans l’intimité, pour comprendre les événements qui le pressent, et pour trouver dans une bonne résolution ou dans un bon conseil la puissance de dénouer et de gouverner les faits, de même l’acteur doit méditer sur l’action du drame et sur le caractère qu’il représente. Il doit chercher tous les jours, et entre chaque scène, tous les développements que ce rôle comporte. Ici, nous sommes libres de la lettre, et l’esprit d’improvisation nous ouvre un champ illimité de créations délicieuses. Mais, lors même qu’en public vous serez esclaves d’un texte, un geste, une expression de visage suffiront pour rendre votre intention. Ce sera plus difficile, mes enfants ! car il faudra tomber juste du premier coup, et résumer une grande pensée dans un petit effet ; mais ce sera plus subtil à chercher et plus glorieux à trouver : ce sera le dernier mot de la science, la pierre précieuse par excellence que nous cherchons ici dans une mine abondante de matériaux variés, où nous puisons à pleines mains, comme d’heureux et avides enfants que nous sommes, en attendant que nous soyons assez exercés et assez