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et mon prénom tracés fort lisiblement et d’une main élégante sur l’adresse. A peine eus-je fait un signe affirmatif que l’enfant s’enfuit sans attendre ni questions ni récompense. Je courus à la signature, qui ne m’apprit rien d’officiel, mais à laquelle pourtant je ne me trompai pas. Stella et Béatrice ! les jolis noms ! m’écriai-je, et je rentrai dans ma chambre, assez ému, je le confesse.

« Le hasard, aidé de la curiosité, disait cette gracieuse lettre parfumée, a fait découvrir à deux petites filles fort rusées le nom de l’étranger qui a ramassé le nœud de ruban cerise. Des pas laissés sur la neige, coïncidant avec les avertissements de la belle chienne Hécate, ont prouvé à ces demoiselles que l’étranger était encore plus curieux que poli et prudent, et qu’il ne craignait pas de marcher sur les eaux pour surprendre les secrets d’autrui. Le sort en est jeté ! Puisque vous voulez être initié à nos mystères, ô jeune présomptueux, vous le serez ! Puissiez-vous ne pas vous en repentir, et vous montrer digne de notre confiance ! Soyez muet comme la tombe ; la plus légère indiscrétion nous mettrait dans l’impossibilité de vous admettre. Venez à huit heures du soir (solo e inosservato) au bord du fossé, vous y trouverez Stella et Béatrice. »

Tout le billet était écrit en italien et rédigé dans le pur toscan que je leur avais entendu parler. Je hâtai le dîner pour avoir le droit de sortir à six heures, prétextant que j’allais voir lever la lune sur le haut des collines. En effet, je fis une course au delà du château, et à huit heures précises j’étais au rendez-vous. Je n’attendis pas cinq minutes. Mes deux charmantes châtelaines parurent, bien enveloppées et encapuchonnées. Je fus un peu inquiet, lorsque j’eus franchi l’escalier, d’en voir une troisième sur laquelle je ne comptais pas. Celle-là était masquée d’un loup de velours noir et son manteau avait la forme