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comme terrifiés, et, par un contraste douloureux à voir, un sourire d’hébétement crispait nos lèvres tremblantes. Nous avions tous une sorte de bégaiement et plus ou moins de surdité. Quelques-uns s’en ressentirent même longtemps.

Bellamare, qui ne s’était pas reposé un instant, veillant sur nous tous, contrôlant les ordonnances des médecins du pays qui ne lui inspiraient pas de confiance, nous administrant lui-même les médicaments de sa pharmacie portative, commençait à ressentir la fatigue au moment où la nôtre se dissipait. Nous étions depuis quinze jours dans ce petit port, sur un coteau charmant, en vue des belles montagnes d’un gris bleuâtre qui l’enserrent, et aucun de nous n’était encore en état de travailler ni de voyager. Depuis Ancône, c’est-à-dire depuis près d’un mois, nous n’avions rien gagné, et nous avions beaucoup dépensé, Bellamare n’ayant rien voulu épargner pour notre rétablissement. La situation financière s’aggravait chaque jour, et chaque jour aussi se rembrunissait le front de Moranbois : mais il n’en voulait rien dire, craignant que, pour organiser des représentations à Raguse, Bellamare ne se donnât trop vite des soucis et des fatigues