Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

moments. Elle se reprenait en me voyant surpris et affligé, mais ce n’était plus l’abandon et l’amitié d’auparavant. Que s’était-il donc passé durant mes jours de délire ? Je ne pus me rappeler que ce que je vous ai dit. C’était bien assez pour la mettre en garde contre moi ; mais l’avait-elle compris ? pouvait-elle s’en souvenir ? ne devait-elle pas attribuer mon transport à la fièvre qui me dévorait alors ? Je n’osai pas l’interroger, dans la crainte précisément de lui remettre en mémoire un fait peut-être oublié. J’y mis aussi de l’insouciance au commencement. J’étais trop affaibli pour me sentir amoureux, et j’aimais à me persuader que je ne l’avais jamais été. Il est certain que nous étions tous singulièrement dépéris et calmés. Quand nous nous trouvâmes réunis pour la première fois sur la terrasse d’une petite villa qu’on nous avait louée sur la colline boisée qui domine le port, ce ne fut pas la maigreur et la pâleur de nos visages qui me frappèrent, ils étaient déjà moins effrayants qu’ils n’avaient été sur l’écueil ; ce fut une expression commune à tous et qui établissait une sorte de ressemblance de famille sur les traits les plus dissemblables. Nous avions les yeux agrandis et arrondis,