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couvé si tendrement cet œuf de colombe sédentaire d’où s’échapperait un pigeon voyageur ! Non, je ne suis pas encore mûr pour le mariage, il ne faut pas me dire de me hâter. Il faut me donner le temps de me porter en terre et de ressusciter, si la chose est possible !

Il avait raison. Nous nous quittâmes à trois heures du matin, je devais absolument repartir à sept ; mais je lui jurai de dépêcher mes affaires et de revenir passer une semaine avec lui.

J’étais depuis deux jours à Duclair, et je déjeunais seul à la table d’hôte, n’ayant pu arriver à l’heure accoutumée, lorsque je vis entrer un homme encore jeune, c’est-à-dire pas très-jeune, et pas très-beau, c’est-à-dire assez laid, dont le salut, le regard et le sourire me prévinrent en sa faveur. Il s’assit devant moi et mangea à la hâte, sans paraître se soucier de ce qu’on lui servait et tout en consultant un carnet de notes. Je le pris pour un voyageur de commerce. Je ne sais quoi d’enjoué, de railleur et de bienveillant à la fois me faisait désirer qu’il me parlât ; mais il paraissait trop bien élevé pour entamer la conversation à tort et à travers, et je pris le parti de le prévenir en lui deman-