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quoi il consiste, comment il éclôt, se développe et se manifeste, et de ne pouvoir le faire jaillir de soi-même. C’est comme l’amour, voyez-vous-on le sent, on le touche, on croit le saisir ; il vous échappe, il vous fuit. On reste devant le souvenir d’un rêve ardent et d’une déception glacée !

— Impéria ! lui dis-je, c’est Impéria ! Vous y pensez toujours !

— Impéria insensible et mon ambition déçue, c’est tout un, répondit-il. Ces deux premiers éléments de vitalité sont le point de départ de ma vie. J’ai perdu les trois plus belles années de ma jeunesse à les voir m’échapper jour par jour, heure par heure. Je retrouverai peut-être des biens préférables ; mais ce que je ne retrouverai pas, c’est mon cœur d’enfant, mon espoir obstiné, ma confiance aveugle, mes aspirations de poëte, mes jours d’insouciance et mes jours de fièvre. Tout cela est fini, fini ! Je suis un homme fait, et j’aime une femme faite. Je suis excellent, elle est adorable ; nous pourrons être très-heureux… Me voilà riche comme un nabab et logé comme un prince. D’un grabat bourré de paille, je passe à un lit d’or et de soie. Je peux contenter toutes mes fantaisies, me griser avec du