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actrice. C’est une voix douce, un peu sourde et voilée, qui caresse et ne fait pas tressaillir, une prononciation qui glisse sans accuser et n’insiste que sur ce qui est très-senti. Je dirais volontiers de cette femme que c’est un instrument garni de ces cordes de soie qui n’ont pas assez de sonorité pour un orchestre d’opéra, mais qui chantent avec plus de moelleux et de suavité dans la musica di camera.

Elle est grande et belle, vous disais-je, et j’ajouterai qu’elle est un peu gauche, ce qui me plaît infiniment. Elle ne saurait pas faire trois pas sur un théâtre sans se heurter partout. Cela tient aussi à une vue courte qui ne lui permet pas de voir à l’œil nu les détails des choses. Pour moi, la source des instincts et des goûts est dans le sens de la vue. Ceux dont l’œil étendu embrasse tout sont plastiques ; au contraire, ceux qui ont besoin de regarder de près sont spécialistes. La spécialité de ma voisine, c’est la vie d’intérieur, une petite activité qui ne se voit pas du dehors, mais qui est ingénieuse et incessante, une sollicitude attentive et continue, délicate et inépuisable pour ceux dont elle entreprend la guérison. Elle est le contraire