Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

me racontant votre vie, soyez-le encore. Vous êtes un homme de cœur très-intelligent ; donc, vous êtes réellement un homme de mérite. Vous tenez à paraître ce que vous êtes, c’est votre droit ; je dirai plus c’est votre devoir. Je ne vois en vous rien qui sente le comédien, si ce n’est cette affectation de railler le milieu social où la destinée vous replace et que je commence à comprendre. L’homme qui a livré tout son être, intelligence, figure, accent, cœur et entrailles au contrôle d’un public souvent injuste et brutal, a certainement beaucoup souffert de ce contact direct, et sa fierté a dû se révolter à l’idée que, pour quelques sous donnés à la porte, le premier manant venu achetait le droit de l’humilier. Je vous avoue qu’avant de vous connaître, j’avais un grand dédain pour les comédiens. Je ne pardonnais qu’à ceux dont le talent réel a le droit de tout braver et la puissance de tout vaincre. J’éprouvais une sorte de dégoût pour ceux qui étaient médiocres, et je ne surmontais ce dégoût que par la compassion que m’inspiraient leur détresse, la difficulté de vivre en ce monde, le manque d’éducation première, l’encombrement du travail dans la société moderne. C’est cette difficulté toujours