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— Voyons, lui dis-je, ne jouez pas la comédie avec un homme à qui vous avez dévoilé tous les recoins de votre cœur et de votre conscience. Il est impossible que vous ne vous trouviez pas plus heureux ici que dans votre village. Je mets à part la perte de votre père, qui était fatale selon les lois de la nature ; ce chagrin ne se trouve pas tellement lié à votre héritage qu’il doive vous empêcher d’en apprécier les douceurs.

— Pardonnez-moi, reprit-il, ce mal et ce bien sont étroitement liés ; je ne puis l’oublier. Je vous l’ai dit naïvement autrefois, je vous le dis aujourd’hui avec la même sincérité, je suis né acteur. Je n’en ai pas eu le talent, j’en ai gardé la passion. J’ai besoin d’être plus grand que nature. Il faut que je pose vis-à-vis de moi-même, que j’oublie l’homme que je suis, et que je plane au-dessus de ma propre individualité par l’imagination. Toute la différence entre l’acteur par métier et moi, c’est qu’il a besoin du public, et que, moi, ne l’ayant jamais passionné, je m’en passe fort bien ; mais il me faut ma chimère : elle m’a soutenu, elle m’a fait accomplir de grands sacrifices. Je me sais honnête et bon, cela ne me suffit pas, c’est la na-