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y en a qui sont tragiques, parce qu’elles ont pour cause l’effroi du souvenir et l’horreur de la solitude. Ne me raille donc jamais ; tu ne sais pas le mal que tu me fais, toi qui vaux mieux que les autres, et qui, ne m’aimant pas, n’as pas voulu feindre de m’aimer pour me faire commettre une faute de plus ! Si Léon te parle quelquefois de moi, dis-lui que ma vie absurde et brisée est son ouvrage, et que sa méfiance m’a perdue. À présent, il est trop tard… Je n’ai plus qu’à pardonner avec une douceur que l’on prend pour de l’insouciance, et qui finira sans doute par en être.

Notre vie recommençait à être ce qu’elle avait toujours été avant nos désastres, un voyage enjoué sans pertes ni profits, un pêle-mêle d’occupations fiévreuses et de temps perdu, un ensemble de bonnes relations semées de petites brouilles et de chaleureuses réconciliations. Cette vie sans repos et sans recueillement fait peu à peu du comédien de province un être qu’on pourrait considérer, non comme ivre à l’état chronique, mais comme toujours entre deux vins. Le théâtre et la voyage alcoolisent comme des spiritueux. Les