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autres, et elle refusa, tout en le remerciant et en lui promettant une fidèle amitié.

À ce propos, Anna, qui avait coutume de ne jamais parler du passé, s’expliqua avec moi dans un moment de tête-à-tête amené par le hasard. Je désirais savoir ce qu’elle pensait de Léon, et si les regrets étouffés de celui-ci avaient quelque solide raison d’être.

— Je n’aime pas, me dit-elle, à regarder en arrière. Il n’y a là pour moi que chagrins et désillusions. Je suis très-impressionnable, et je serais dix fois morte, si je n’avais dans le caractère une ressource suprême, qui est d’oublier. J’ai cru aimer bien souvent ; mais en réalité je n’ai aimé que mon premier amant, ce fou de Léon, qui eût pu faire de moi une femme fidèle, s’il n’eût été soupçonneux et jaloux à l’excès. Il a été très-injuste avec moi ; il s’est cru trompé par Lambesq dans un moment où il n’en était rien ; je me suis alors donnée à Lambesq par dépit, et puis à d’autres par ennui, par caprice de désespoir. Songe à cela, Laurence : on plaisante l’amour quand on peut l’appeler fantaisie ; mais il y a des fantaisies de galanterie qui sont gaies, et il