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le cristal, lui était absolument refusé. Il était susceptible d’admiration enthousiaste ; mais pour lui la beauté était un état de l’être en rapport avec les conditions de son existence. Il tombait en extase devant les plus hideux animaux des âges antédiluviens. Il se pâmait d’aise devant les dents du mastodonte, et les facultés digestives de ce monstre lui arrachaient des pleurs d’attendrissement. Tout était pour lui mécanisme, relation, appropriation et fonction.

Au bout de quelques semaines, je fus guéri et me rendis parfaitement compte du délire auquel j’avais été en proie. En me voyant redevenir lucide, on cessa de me tourmenter, et on se contenta de me défendre de reparler, même en riant, de la géode d’améthyste et de ce que j’avais vu du sommet du gros cristal blanc laiteux.

Laura était à cet égard d’une discrétion ou d’une sévérité à toute épreuve. Dès que j’ouvrais la bouche pour lui rappeler cette magnifique excursion, elle me la fermait avec la main ; mais elle ne me décourageait pas comme les autres.