Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

sable fin qui le portait sans bruit dans la belle rivière.

Car c’est peut-être la plus belle rivière du monde que la Creuse au mois d’avril en cet endroit-là. Elle dessine de grandes courbes immobiles et transparentes dans de hautes coupures taillées en amphithéâtre et tapissées de l’éternelle verdure des buis. De loin en loin, elle rencontre des blocs et des gradins de rochers noirs et tranchants, où elle mugit et se précipite. Là où j’étais, elle ne disait mot, et sa grande clameur perdue ne m’empêchait pas d’entendre le babil de la petite source.

De beaux chênes occupés à développer et à déplier lentement au soleil leurs jeunes feuilles encore gommeuses et encore plus roses que vertes donnaient déjà un clair ombrage. Les gazons étaient littéralement semés de pâquerettes, de violettes blanches et bleues, de scilles, de saxifrages et de jacinthes. Dans le lit du ruisseau, la cardamine des prés attirait les charmants papillons aurore qui portent son nom. Partout, sur les âpres rochers granitiques, le lierre dessinait de mysté-