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Le poëte peut dire moi, le savant doit dire nous. J’aime quelquefois le savant plus que le poëte, je ne puis me passer de lui. Ce qui est à lui est à moi, il donne tout ce qu’il a. Le poëte garde tout pour lui seul, il ne peut rien communiquer de sa force. Je le respecte autant, je l’admire davantage, je le redoute un peu. Tel il m’apparaît du moins dans ce fier livre que je lis : Isaïe, Eschyle, Homère, Dante, Shakspeare, Goethe, sont de grands solitaires dont nous relevons tous, mais qui ne relèvent de personne. Ils sont nos souverains ; les savants sont nos frères ; ceux-ci peuvent nous rendre savants comme eux-mêmes, il ne s’agit que de les étudier. Vous étudierez en vain les grands artistes, vous pourrez les copier, vous ne leur prendrez rien pour cela.

L’artiste, c’est l’initiative ; le savant, c’est l’initiateur. Celui-ci représente l’humanité, l’artiste ne représente que l’individu ; mais, pour être initiés, il nous faut bien l’un et l’autre, celui qui voit et celui qui fait voir. Confondons-les dans notre culte, ces pères sacrés de l’intelligence ; ne