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derrière moi un regard étonné et craintif. Je vis l’abîme se remplir de ténèbres. La lumière électrique s’éteignait. Les gemmes colossales ne jetaient plus que quelques étincelles rougeâtres dans l’obscurité, et je vis ramper quelque chose d’informe et de sanglant qui me parut être le corps mutilé de Nasias essayant de rassembler ses membres épars et d’étendre vers moi, pour me retenir, une main livide détachée de son bras.

Laura passa sur mon front, baigné d’une sueur froide, son mouchoir parfumé qui me rendit la vie et me donna la force de la suivre.

En traversant le jardin, je me sentis aussi ingambe et aussi reposé que si je n’eusse pas fait huit ou dix mille lieues depuis la veille. Laura me fit entrer dans le salon de l’oncle Tungsténius, où je fus reçu à bras ouverts par un bon gros homme rubicond, ventru, et de la plus bienveillante figure.

― Embrasse donc mon père, me dit Laura, et demande-lui ma main.

― Ton père ! m’écriai-je hors de moi. C’est donc là le véritable Nasias ?