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heureux compagnons du Tantale, je n’avais pas pris part à quelque effroyable scène de délire et de carnage.

Nasias, qui m’observait, se prit à rire, et, cueillant une mûre sauvage de la grosseur d’une grenade, il en exprima le jus devant moi.

― Ce que tu vois là, me dit-il, ce sont les traces de ton souper d’hier.

Je voulus encore l’interroger ; il me tourna le dos et refusa de me répondre. Il fallait bien se soumettre. Ayant exploré déjà les environs, il avait un but, et il y marchait. Je le suivis en silence, sans armes, sans munitions, et comme si nous eussions conquis un pays où l’homme n’a plus rien à conquérir.

Nous ne fûmes pas longtemps néanmoins sans rencontrer des êtres infiniment redoutables, pour peu qu’ils nous eussent été hostiles : c’étaient des bisons, des mouflons, des rennes, des aurochs, des élans d’une taille très au-dessus de celle qui nous est connue, et tous appartenant à des espèces entièrement perdues sur le reste de la planète. Il est