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voisinage du cap Bellot, et de ne jamais revoir leur patrie. Mon oncle, malgré son prestige et son autorité, ne put en décider qu’une douzaine à nous suivre. Nous vînmes à bout d’équiper six pirogues, et, forcés d’abandonner à la troupe mécontente et incertaine tout notre matériel et toutes nos chances de retour, nous prîmes le large en nous abandonnant à la destinée.

Bien que le temps fût magnifique, une forte houle régnait sur cette mer, où nulle embarcation ne s’était encore hasardée et ne se hasardera peut-être jamais. Les forces de nos rameurs et les nôtres furent bientôt épuisées, et nous dûmes nous abandonner à un fort courant qui tout à coup nous entraîna vers le nord avec une rapidité effrayante.

Nous doublâmes les monts Parry sans pouvoir aborder, et, au bout de trois jours d’une désespérance absolue de la part de nos gens, qui pourtant ne manquaient de rien, ne souffraient pas du froid et n’embarquaient pas de lames dans leurs excellentes pirogues, nous vîmes poindre au soleil