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J’essayai de voir encore le spectre de Laura ; je ne distinguai qu’une lueur confuse et lointaine, et bientôt il me devint impossible de savoir si je dormais ou si j’étais éveillé, si j’étais arrêté sur la glace ou sur la terre, ou emporté dans une course rapide par une cause inconnue.

J’ignore combien de temps je passai dans cet étrange état. Le jour ne paraissant pas et ne devant pas paraître, et la brume cachant l’aspect du ciel, je m’éveillai et me rendormis sans doute plusieurs fois, sans pouvoir me rendre compte du cours des heures. Enfin je me sentis bien éveillé, et ma vision devint nette. Le brouillard avait complètement disparu, le ciel étincelait de constellations dont la position me permit de déterminer l’heure, à peu de chose près. Il pouvait être environ midi, et j’avais fait beaucoup de chemin, ou j’étais en route depuis plusieurs semaines.

Je courais sur la neige unie et dure comme un dallage de marbre, emporté par mes chiens, qui, sans être dirigés, suivaient exactement la trace de deux autres traîneaux lancés à toute vitesse. Der-