Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cie remplissait d’une âcre fumée ce sépulcre empesté déjà par la puanteur de l’orgie, et, penchée sur son support, répandait ses dernières gouttes d’huile sur des cheveux dressés dans une dernière épouvante. Plus un mouvement, plus un gémissement, plus un râle. Ils étaient tous blessés, mutilés, méconnaissables, assassinés les uns par les autres. Quelques-uns étaient morts en essayant de se réconcilier, et gisaient les bras enlacés, après avoir échangé dans la lie et le sang un suprême et navrant adieu.

Je restais pétrifié devant ce tableau d’horreur, quand je sentis une main me saisir. C’était celle de Nasias qui m’entraînait dehors, et, comme s’il eût pu lire dans ma pensée :

― Il est trop tard, dit-il en ricanant ; ils ne se révolteront pas contre l’arrêt qui les sauve d’une mort lente cent fois plus cruelle que celle-ci. Je leur ai versé le vin de la fureur, et, en luttant contre des ennemis imaginaires, ils ont pu se consoler par le rêve d’une vaillante mort. Ils sont bien là : les Esquimaux leur donneront sous la glace la