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beaucoup de ces hochets. Je les reportai tous à Mme Aldini, et ne voulus même plus porter de boucles d’argent à mes souliers. Mais mon sacrifice le plus méritoire fut de renoncer à la musique. Je considérai que mon travail, quelque laborieux qu’il fût, ne pouvait compenser les dépenses que mon assiduité au théâtre et les leçons du professeur de chant occasionnaient à la signora. Je me déclarai enrhumé à perpétuité, et, au lieu d’aller à la Fenice avec elle, je me mis à lire dans les vestibules du théâtre. Je comprenais aussi que j’étais ignorant, et, bien que ma maîtresse ne le fût guère moins, je voulais étendre un peu mes idées et ne pas la faire rougir de mes bévues. J’étudiai la langue mère avec ardeur, et je m’attachai à ne plus estropier misérablement les vers, comme tous les bacarolles ont coutume de le faire. Quelque chose aussi me disait, au fond du cœur, que cette étude me serait utile par la suite, et que ce que je perdais en progrès, sous le rapport du chant, je le regagnais de l’autre en réformant mon accent et ma prononciation.

Quelques jours de cette louable conduite suffirent à me rendre le calme. Jamais je n’avais été plus fort, plus gai, et, au dire de Salomé, plus beau qu’avec mes habits propres et modestes, mon air doux et mes mains brunies par le hâle. Tout le monde m’avait rendu la confiance, l’estime et les mille petits soins dont je jouissais auparavant. La belle Alezia, qui avait une grande déférence pour le jugement de sa gouvernante juive, me laissait même baiser le bout de ses tresses noires, ornées de nœuds écarlates et de perles fines.

Une seule personne restait triste et tourmentée, c’était la signora ; sa santé loin de revenir, empirait de jour en jour. À chaque instant, je surprenais ses beaux yeux bleus pleins de larmes, attachés sur moi avec un air de tendresse et de douleur inexprimable. Elle ne pouvait