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part pour être bien sûre que je vous aimerai toujours ?

— Que tu sois mon mari ou mon amant, repartit Bianca, le monde ne le saura pas moins, et je n’en serai pas moins maudite et méprisée. Puisqu’il faut que d’une manière ou de l’autre ton amour me sépare entièrement du monde, je veux du moins me réconcilier avec Dieu, et trouver dans cet amour sanctifié par l’église la force de mépriser le monde à mon tour. Depuis longtemps, je vis mal, je pèche sans profit pour mon honneur, j’expose mon salut éternel sans trouver la joie de mon âme. Maintenant je l’ai trouvée, et je veux la goûter pure et sans nuage ; je veux dormir sans remords sur le sein d’un homme que j’aime ; je veux pouvoir dire au monde : « C’est toi qui perds et corromps les cœurs. L’amour de Nello m’a sauvée et purifiée, et j’ai un refuge contre toi ; c’est Dieu qui m’a permis d’aimer Nello, et qui désormais me commande de l’aimer jusqu’à la mort. »

Bianca me parla longtemps encore de la sorte. Il y avait de la faiblesse, de l’enfantillage et de la bonté dans ces naïfs calculs de sa fierté, de son amour et de sa dévotion. Je n’étais pas moi-même un esprit fort. Il n’y avait pas longtemps que je ne m’agenouillais plus soir et matin, dans la chaloupe paternelle, devant l’image de saint Antoine peinte sur la voile, et quoique les belles dames de Venise me donnassent bien des distractions dans la basilique, je ne manquais jamais la messe, et j’avais encore au cou le scapulaire que ma mère y avait cousu en me donnant sa bénédiction le jour où je quittai Chioggia. Je me laissai donc vaincre et persuader par Mme Aldini ; et, sans résister ni m’engager davantage, je passai la nuit à ses pieds, soumis comme un enfant à ses scrupules religieux, enivré du seul bonheur de baiser ses mains et de respirer le parfum de son éventail.