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— Il ne peut pas y avoir d’abjection à servir qui nous aime, lui répondis-je. Si vous étiez ma femme, croyez-vous que je vous laisserais porter par un autre que moi ? Pourrais-je être occupé d’autre chose que de vous soigner et de vous distraire ? Salomé n’est pas humiliée de vous servir, et pourtant vous ne l’aimez pas autant que moi, n’est-ce pas, signora mia ?

— Ô mon noble enfant ! s’écria Bianca en pressant ma tête sur son sein avec transport, ô âme pure et désintéressée ! Qu’on vienne donc dire maintenant qu’il n’y a de grands cœurs que ceux qui naissent dans les palais ! Qu’on vienne donc nier la candeur et la sainteté de ces natures plébéiennes, rangées si bas par nos odieux préjugés et notre dédain stupide ! Ô toi, le seul homme qui m’ait aimée pour moi-même, le seul qui n’ait aspiré ni à mon rang, ni à ma fortune, eh bien ! c’est toi qui partageras l’un et l’autre, c’est toi qui me feras oublier les malheurs de mon premier hymen, et qui remplaceras par ton nom rustique le nom odieux d’Aldini que je porte avec regret ! C’est toi qui commanderas à mes vassaux, et qui seras le seigneur de mes terres en même temps que le maître de ma vie. Nello, veux-tu m’épouser ?

Si la terre se fût entrouverte sous mes pieds, ou si la voûte des cieux se fût écroulée sur ma tête, je n’aurais pas éprouvé une commotion de surprise plus violente que celle qui me rendit muet devant une telle demande. Quand je fus un peu remis de ma stupéfaction, je ne sais ce que je répondis, ma tête se troublait, et il m’était impossible d’avoir une idée juste. Tout ce que put faire mon bon sens naturel fut de repousser des honneurs trop lourds pour mon âge et pour mon inexpérience. Bianca insista.

— Écoute, me dit-elle, je ne suis point heureuse. Mon enjouement couvre depuis longtemps des peines profondes, et maintenant tu me vois malade et ne