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Ce jour même, Mandola demanda à Mme Aldini la permission de s’absenter pendant une semaine pour aller voir son père malade. Bianca parut effrayée et surprise de cette demande ; mais elle l’accorda aussitôt, en ajoutant :

— Mais qui donc conduira ma gondole ?

— Nello, répondit Mandola en me regardant avec attention.

— Mais il ne sait pas voguer[1] seul, reprit la signora… Allons, rentrez-moi, nous chercherons demain un remplaçant provisoire. Va voir ton père, et soigne-le bien ; je prierai pour lui.

Le lendemain, la signora me fit appeler et me demanda si je m’étais enquis d’un barcarolle. Je ne répondis que par un sourire audacieux. La signora devint pâle, et me dit d’une voix tremblante :

— Vous y songerez demain, je ne sortirai pas aujourd’hui.

Je compris ma faute ; mais la signora avait montré plus de peur que de colère, et mon espoir accrut mon insolence. Vers le soir, je vins lui demander s’il fallait faire avancer la gondole au perron. Elle me répondit d’un ton froid :

— Je vous ai dit ce matin que je ne sortirai pas.

Je ne perdis pas courage.

— Le temps a changé, signora, repris-je ; le vent souffle de sirocco. Il fait beau pour vous, ce

Elle tourna vers moi un regard accablant, en disant :

— Je ne t’ai pas demandé le temps qu’il fait. Depuis quand me donnes-tu des conseils ?

La lutte était engagée, je ne reculai point.

— Depuis que vous semblez vouloir vous laisser mourir, répondis-je avec véhémence.

Elle parut céder à une force magnétique ; car elle pencha sa tête languissamment sur sa main, et me dit d’une voix éteinte de faire avancer la gondole.

Je l’y transportai. Salomé voulut la suivre. Je pris sur moi de lui dire d’un ton absolu que sa maîtresse lui commandait

  1. Ramer, vogar. soir.