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courir les bois achevai avec je ne sais qui ; tant que je fermerai les yeux sur je ne sais quelle intrigue sentimentale dont moi seul peut-être ici suis la dupe… »

Le feu de la colère monta au visage de mademoiselle de Fougères. Elle se leva, et regarda son père en face avec une telle expression de reproche et une telle fierté d’innocence, qu’il fut obligé un instant de baisser les yeux. Jamais elle n’avait mieux mérité le nom symbolique que sa mère lui avait choisi.

« Monsieur, dit-elle en prenant sa voix de contralto trois notes plus bas qu’à l’ordinaire, il y a vingt-deux ans que je suis au monde, déshéritée de votre tendresse et même de votre attention. J’ai accepté cette indifférence sans surprise et sans dépit, comme une chose juste et naturelle… »

Le comte se leva à son tour en frémissant, et ses petits yeux sortirent de sa tête.

— Que voulez-vous dire, Fiamma ? s’écria-t-il avec un accent de fureur et d’angoisse.

— Rien qui doive vous irriter à ce point, répondit Fiamma tranquillement. Je veux dire (et j’ai le droit de le dire) que vos intérêts commerciaux et l’importance de vos affaires ne vous ont jamais permis de vous occuper de moi, et que j’ai compris combien mon éducation et mes goûts me rendaient étrangère aux sujets de votre sollicitude.

— Est-ce là tout ce que vous vouliez dire ? reprit le comte toujours debout et tremblant.

— Quelle autre chose pourrais-je avoir à vous dire ? répondit Fiamma avec une froideur dont l’autorité le força de se rasseoir.

— Continuez votre discours à grand effet, dit-il en levant les épaules et en se tournant de côté sur son fauteuil avec impatience ; puisqu’il faut que j’avale votre récitatif, allez,