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que Simon ne lui avait pas encore vu, et, riant d’un rire juvénile, elle lui montrait une touffe de bruyères vers laquelle elle se hâtait d’arriver en criant : « Il est là ! courez donc dessus ! » Avant que Simon eût pu comprendre de quoi il s’agissait, elle s’élança sur sa proie et jeta dessus son écharpe de soie, que l’oiseau mit en pièces en se débattant. C’était le milan royal que Simon avait démonté le matin, et qu’il avait perdu. Il se hâta de faire cesser le combat furieux qu’il livrait à la jeune amazone, et dans lequel tous deux montraient un courage et un acharnement singuliers ; l’oiseau, renversé sur le dos, se défendait avec désespoir des ongles et du bec ; la jeune fille, malgré les blessures qu’elle recevait, s’obstinait à le saisir et semblait résolue à se laisser déchirer plutôt que de renoncer à sa conquête. Simon le vainquit, lui lia les pieds avec sa cravate, et, le prenant par le bec, le présenta à mademoiselle de Fougères. Accablée de fatigue, elle s’était jetée sur la bruyère, et son cœur palpitait si fort que Simon en pouvait distinguer les battements ; elle était déjà redevenue pâle. Simon jeta le milan à ses pieds, et, s’agenouillant près d’elle avec vivacité, lui demanda si elle était grièvement blessée.

« Je n’en sais rien, répondit-elle, je ne crois pas.

— Mais vous êtes couverte de sang ?

— Bah ! c’est le sang de cette bête rebelle.

— Je vous assure qu’elle vous a déchirée ; vos gants sont en lambeaux. »

Sans attendre sa réponse, il lui prit la main, et, lui retirant ses gants avec précaution, il vit qu’elle avait reçu des entailles profondes.

« Vous voyez que c’est bien votre sang, lui dit-il d’une voix émue et cherchant à l’étancher.

— Bon ! dit-elle, je ne m’en suis pas aperçue. Je voulais l’avoir et je le tiens.