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V.
Pendant qu’à la faveur des ombres de la nuit, et en suivant un chemin dont le comte avait conservé le plan dans un des mille recoins de sa méthodique mémoire, les voyageurs longeaient le village et se glissaient incognito vers la demeure de M. Parquet, l’avoué, monté sur sa mule et portant sa fille en croupe, revenait aussi à Fougères, murmurant un peu contre l’activité inquiète de son hôte.

« Après tout, disait-il à la mélancolique mademoiselle Bonne, j’approuve fort le bon sens qu’il a eu de se soustraire à la cérémonie grotesque qu’on lui réservait ; mais, quant à moi, j’aurais voulu voir cela, ne fût-ce que pour me désopiler un tant soit peu la rate. Ce Fougères est un bon diable, pas trop ridicule, et ne manquant pas de sens à certains égards. Mais quand, après tout, il aurait essuyé les salves d’artillerie du village avec leurs fusils sans batteries, quand il aurait avalé la harangue du maire, celle du curé et celle du garde champêtre, ce n’eût pas été trop payer le bonheur qu’il a eu de ne perdre que cent mille francs sur son marché. Le pauvre comte ! il était bien tranquille et bien heureux là-bas dans son pays d’Istrie, où il vendait de la belle et bonne chandelle, d’excellent amadou, du savon, du poivre… car, il ne faut pas gazer, notre cher comte était épicier. Qu’on appelle ce commerce-là comme on voudra, et qu’on y gagne tout l’argent du monde, ce n’est pas moins le même commerce que fait en petit la mère L’Oignon à Fougères.

— Comment, épicier ! reprit naïvement mademoiselle Parquet ; j’avais cru lui entendre dire qu’il était armateur