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vit de châtaignes et de sarrasin ; il aime l’argent plus que le bien-être ; la chicane est son élément, le commerce tant soit peu frauduleux est son art et son théâtre. Un marchand forain marchois est pour les provinces voisines un personnage aussi redoutable que nécessaire ; il a le talent incroyable de tromper toujours et de ne jamais perdre son crédit. J’en ai connu plus d’un qui aurait donné des leçons de diplomatie au prince de Talleyrand. Le cultivateur du Berry est destiné, de père en fils, à être sa proie, à le maudire, à l’enrichir et à le donner au diable, qui le lui renvoie chaque année plus rusé, plus prodigue de belles paroles, plus irrésistible et plus fripon.

Simon Féline était une de ces natures supérieures par leur habileté et leur puissance, qui peuvent faire beaucoup de mal ou beaucoup de bien, suivant la direction qui leur est imprimée. Dès le principe, son éducation éteignit en lui l’instinct marchois de maquignonnage, et développa d’abord le sentiment religieux. À l’âge de puberté, l’éducation philosophique vint mêler la logique à la pensée, la réflexion à l’enthousiasme ; puis, la passion sillonna son âme de ces grands éclairs qui peu à peu devaient la révéler à elle-même. Mais au milieu de ces ouragans elle conserva toujours un caractère de mysticisme, et l’amour de la contemplation domina l’esprit d’examen. À côté de sa soif d’avenir et de ses appétits de puissance, Simon conservait dans la solitude un sentiment d’extase religieuse. Il s’y plongeait pour guérir les blessures qu’il avait reçues dans un choc imaginaire avec la société ; et parfois, au lieu du rôle actif qu’il avait entrevu, il se surprenait à caresser je ne sais quel rêve de perfection chrétienne et philosophique, quasi militante, quasi monacale.

Il passait souvent, comme je l’ai déjà dit, des journées