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du soleil. Sa santé périssait, mais son âme ne vivait qu’avec plus d’intensité, et son courage renaissait avec les douleurs physiques qui lui donnaient un aliment.

À ces maux se réunissaient les irritations bilieuses d’un sentiment politique très-prononcé. À vingt-deux ans, les sentiments sont des principes, et ces principes-là sont des passions. Simon avait sucé les idées républicaines au sein de sa mère. Son père, soldat de la république, avait été massacré par les chouans. L’abbé Féline avait compris la fraternité des hommes comme Jésus l’avait enseignée, et Jeanne, imbue de ses pensées, admettait si peu le droit divin pour les dignités temporelles, qu’à son insu, vingt fois par jour, elle était hérétique. Son fils prenait plaisir à l’entendre proférer ces saints blasphèmes. Il se gardait de les lui faire apercevoir, et s’enivrait de l’énergie de cette sauvage vertu qui répondait si bien à toutes les fibres de son être. « Ma mère, s’écriait-il quelquefois avec enthousiasme, vous étiez digne d’être une matrone romaine aux plus beaux jours de la république. » Jeanne ne savait pas l’histoire romaine, mais elle avait réellement les vertus de l’ancienne Rome.

À cette époque, où il était sérieusement question du retour des anciens privilèges, où l’on présentait des lois sur le droit d’aînesse, où l’on votait des indemnités pour les émigrés, quoique la mère et le fils Féline n’eussent aucune prévention personnelle contre la famille de Fougères, ils virent avec regret tout l’attirail aratoire des frères Mathieu sortir du donjon féodal pour faire place à la livrée du comte. La vieille Jeanne prévoyait bien, dans son expérience, que, l’amour du nouveau une fois calmé, ce maître tant désiré ne manquerait ni d’ennemis ni de défauts. Elle était blessée, surtout, d’entendre le jeune curé de Fougères parler de lui rendre des honneurs semblables à ceux qui escorteraient les reliques d’un saint, et