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vain le refuser en exprimant ses craintes de ne pouvoir le rendre assez vite.

« Je te donne trente ans de crédit, répondit Parquet en riant ; tu payeras aux enfants de ma fille, avec les intérêts, si tu veux. Je ne cherche point à blesser ta fierté.

— Mais s’il m’arrive de mourir sans m’acquitter, comment fera ma mère ?

— Aussi je ne te demande pas de billet, reprit l’avoué d’un ton brusque ; ni ta mère ni mes héritiers n’en sauront rien. Allons, va-t’en, en voilà assez ; sache seulement que je ne suis ni si généreux ni si imprudent que tu le penses. Simon, tu es destiné à faire ton chemin, souviens-toi de ce que je le dis : le neveu de mon pauvre Féline, le fils de Jeanne, n’est pas dévoué à l’obscurité. Avant qu’il soit vingt ans peut-être, je serai fort honoré de ta protection. Je ne ris pas. Adieu, Simon, laisse-moi déjeuner. »

Simon paya mille francs de dettes qu’il avait à Poitiers, et alla travailler à Paris. Il n’aimait pas l’étude des lois, et avait songé à y renoncer. Mais le service que Parquet venait de lui rendre lui faisait presque un devoir de persévérer dans une profession qui, en raison des études déjà faites et de la protection assurée à ses débuts par son vieil ami, lui offrirait plus vite que toute autre les moyens de s’acquitter. L’enfant travailla donc avec courage, avec héroïsme ; il simplifia ses dépenses autant que possible, et rendit sa vie aussi solitaire que celle d’un jeune lévite. La nature ne l’avait pas fait pour cette retraite et pour ces privations ; des passions ardentes fermentaient dans son sein ; une énergie extraordinaire, le besoin d’une large existence, le débordaient. Il sut comprimer les élans de son caractère sous la terrible loi de la conscience. Toute cette existence de sacrifices et de mortifications fut un véritable martyre, dont pas un ami ne reçut la